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couraient rapidement dans l’espace et passaient incessamment sur le disque blafard de la lune, dont ils interceptaient les rayons sans chaleur.

Le vent se lamentait tristement en sifflant à travers les branches des arbres qui s’entre-choquaient avec des bruits lugubres.

Dans les profondeurs mystérieuses de la forêt, on entendait des grondements et des hurlements saccadés auxquels se mêlaient le mugissement de la cascade et le cliquetis monotone des cailloux roulés sur la plage par les eaux du fleuve.

C’était une de ces nuits pendant lesquelles la nature semble s’associer aux tristesses humaines et gémir des crimes auxquels ses sombres ténèbres doivent servir de voiles.

D’après les ordres de Valentin, sur un espace de cinquante mètres tout autour du camp, les arbres avaient été abattus, afin de déblayer le terrain et d’enlever à l’ennemi les moyens d’arriver sans être vu jusqu’aux retranchements.

Puis, sur cet espace laissé libre, d’énormes brasiers avaient été allumés de distance en distance.

Ces brasiers, dont les hautes flammes éclairaient la prairie à une distance considérable, formaient une ceinture brillante au camp, qui, lui, était plongé dans une obscurité complète.

Nulle lumière, si faible qu’elle fût, ne scintillait dans la Mission ; les retranchements semblaient abandonnés, aucune sentinelle ne se laissait voir.

La Mission était en apparence retombée dans le silence de la solitude, tout était calme et tranquille.

Mais ce calme cachait la tempête. On sentait instinctivement palpiter dans l’ombre les cœurs anxieux