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en moi une foi à toute épreuve ; si vous manquez à un des devoirs que je vous impose en ce moment, nous sommes tous perdus, car la lutte nous deviendra impossible, et, par conséquent, nos ennemis auront bon marché de nous. Du reste, mes frères, recevez ici ma parole que quelles que soient les circonstances dans lesquelles nous nous trouverons, si magnifiques que soient les offres que l’on me fera, jamais je ne vous abandonnerai, nous périrons ou nous réussirons ensemble.

Ce discours fut accueilli comme il devait l’être, c’est-à-dire avec un enthousiasme impossible à décrire.

Le comte se retira alors à l’écart avec Valentin.

— Hélas ! frère, dit-il à celui-ci avec une expression de tristesse navrante, le sort en est jeté à présent, me voilà, moi, comte de Prébois-Crancé, un rebelle, un pirate ; je suis en guerre ouverte avec une puissance reconnue, un gouvernement constitué ; que ferai-je avec les quelques hommes que je commande ? Je périrai à la première bataille, ah ! cette lutte est insensée ; je vais devenir avant peu la risée du monde. Qui m’aurait dit cela lorsque, plein d’espoir, je quittai San-Francisco pour venir exploiter ces mines que je ne verrai jamais ? Que sont devenus mes beaux rêves, mes séduisantes espérances ?

— Ne te laisse pas abattre ainsi frère, répondit Valentin ; c’est à présent surtout que tu as besoin de toute ton intelligence et de toute ton énergie pour remplir dignement la tâche que le hasard t’impose. Songe que de cette énergie et de ce courage dépend le salut de deux cents de tes compatriotes, que tu as