qu’à cet instant demeurée cachée, s’avança, majestueusement drapée dans son rebozo, la démarche fière et l’œil étincelant d’un feu sombre.
— Arrêtez ! dit-elle avec un accent si ferme et si imposant que chacun se tut et la regarda avec étonnement.
— Madame, lui dit Louis, je vous en conjure…
— Laissez-moi parler ! dit-elle avec énergie, laissez-moi parler, señor conde. Puisque personne dans ce malheureux pays n’ose protester contre l’odieuse trahison dont vous êtes victime, moi, femme, moi, la fille de votre plus implacable ennemi, je le déclare hautement devant tous : vous êtes, comte, le seul homme dont le génie soit assez puissant pour régénérer cette malheureuse contrée. On vous méconnaît, on vous insulte, on attache à votre nom l’épithète de pirate. Eh bien, pirate, soit ! Don Luis, je vous aime : désormais, je suis à vous, à vous seul. Persévérez dans votre noble entreprise ; tant que je vivrai, il y aura sur cette terre maudite une femme qui priera pour vous ! Maintenant, adieu ! je vous laisse mon cœur.
Le comte s’agenouilla devant la noble femme, lui baisa respectueusement la main, et levant les yeux au ciel :
— Doña Angela, dit-il avec émotion, merci. Je vous aime, et, quoi qu’il arrive, je vous prouverai que je suis digne de votre amour.
— Maintenant, mon père, partons, dit-elle au général, à moitié fou de rage et qui cependant n’osait laisser éclater sa colère ; et se tournant une dernière fois vers le comte : Au revoir, don Luis, reprit-elle ; mon fiancé, à bientôt !