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fléchissez mûrement à ce que, dans votre intérêt, vous croirez devoir faire. Quant à moi, ma résolution est prise, elle est inébranlable, dussé-je perdre la vie, elle ne changera pas. Mais vous, mes frères, mes amis, vos intérêts privés peuvent ne pas être les miens ; ne vous sacrifiez donc pas par amitié et dévouement pour moi, vous me connaissez assez pour avoir foi en ma parole ; ceux d’entre vous qui voudront me quitter seront libres de le faire ; non-seulement je ne m’opposerai pas à leur départ, mais je ne leur conserverai aucune rancune. La position étrange dans laquelle nous sommes placés par la mauvaise foi des Mexicains m’impose à moi des obligations et une ligne de conduite auxquelles vous êtes libres sans honte de refuser de vous soumettre ; dès ce moment, je vous délie de tout engagement envers moi, je ne suis plus votre chef, mais je serai toujours votre ami et votre frère.

À peine ces derniers mots furent-ils prononcés que, par un élan irrésistible, brisant et renversant tout sur leur passage, les aventuriers se précipitèrent vers le comte, l’entourèrent avec des cris et des pleurs, l’enlevèrent dans leurs bras et lui prodiguèrent les assurances d’un complet dévouement.

— Vive le comte ! vive Louis ! Louis ! vive notre chef ! À mort ! à mort les Mexicains ! à mort les traîtres !

Cette effervescence prenait des proportions qui menaçaient de devenir dangereuses aux Mexicains en ce moment dans le camp ; l’exaspération était à son comble. Cependant, grâce à l’influence du comte sur ses compagnons et à la conduite énergique des offi-