Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix irritée : vous vous faites garder comme dans une forteresse ; vous avez, Dieu me pardonne ! des sentinelles et des patrouilles autour de votre campement comme si vous commandiez une véritable armée.

Le comte se mordit les lèvres, mais il se contint et répondit d’une voix calme, bien que grave :

— Nous sommes sur la limite des despoblados — déserts — général, notre sûreté dépend de notre vigilance. Bien que je ne sois pas le chef d’une armée, je réponds du salut des hommes que j’ai l’honneur de commander. Mais ne voulez-vous pas, général, mettre pied à terre afin que nous puissions plus à l’aise traiter les graves questions qui, sans doute, vous amènent ?

— Je ne mettrai pas pied à terre, monsieur, ni personne de ma suite, avant que vous ne m’ayez expliqué votre étrange conduite.

Un éclair si fulgurant jaillit de l’œil bleu du comte, que malgré lui le général détourna la tête.

Cependant cette conversation avait lieu sous la voûte du ciel, devant les Français rassemblés autour des arrivants ; la patience des aventuriers commençait à s’épuiser, et de sourds murmures se faisaient entendre ; d’un geste, le comte calma l’orage, le silence se rétablit immédiatement.

— Général, reprit don Luis, toujours impassible, les paroles que vous m’adressez sont sévères ; j’étais loin de m’y attendre, surtout après la façon dont j’ai agi depuis mon arrivée au Mexique, et la modération dont j’ai constamment fait preuve.

— Fadaises que tout cela, monsieur ! s’écria le général avec emportement ; vous autres, Français, vous avez la langue mielleuse quand il s’agit de