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Le comte de Prébois-Crancé avait terminé sa correspondance, et tenant à la main les lettres qu’il venait d’écrire, il donnait à un peon, déjà à cheval et prêt à partir, ses dernières instructions, lorsque les sentinelles avancées, placées à une certaine distance en dehors, firent entendre le cri de Qui vive ? cri répété immédiatement sur toute la ligne.

Louis sentit instantanément son cœur se serrer à ce cri, auquel cependant il était habitué ; une sueur froide perla à ses tempes, une pâleur mortelle couvrit son visage et il fut contraint de s’appuyer contre un pan de mur pour ne pas tomber, tant il se sentait défaillir.

— Mon Dieu ! balbutia-t-il à voix basse, que se passe-t-il donc en moi ?

Explique qui pourra la cause de cette étrange émotion, de ce pressentiment intime qui avertissait le comte d’un malheur ; quant à nous, nous reconnaissons notre impuissance, et nous nous bornons à constater le fait.

Cependant le comte se roidit contre cette émotion extraordinaire sans cause plausible ; grâce à un suprême effort de volonté, une réaction s’opéra en lui, et il redevint froid, calme, impassible, prêt à soutenir sans faiblesse comme sans forfanterie le choc, quel qu’il fût, dont il se sentait instinctivement menacé.

Cependant on avait répondu aux sentinelles, quelques paroles s’échangeaient.

Don Cornelio arriva auprès du comte, le visage bouleversé par l’étonnement et en proie à la plus vive agitation.