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NOTE A

Plusieurs de nos amis nous ont fait observer avec raison que l’œuvre de justice que nous avons essayée aujourd’hui ne saurait être complète si nous nous obstinions à cacher nos personnages sous le voile du pseudonyme. Qu’il soit donc fait ainsi que nos amis le désirent. Qui ne se rappelle l’héroïque épopée du comte Gaston de Raousset-Boulbon ; la catastrophe qui la termina fut, malgré les préoccupations politiques du moment, considérée comme une calamité publique.

C’est l’expédition de ce Titan incompris, auquel il n’a manqué qu’un levier pour soulever le monde, que nous avons entrepris de raconter. Don Luis est le comte. À Côté du consul Calvo, du général Yanès et du commandant Lebourgeois-Desmarais, sinistre trinité fatale au comte, les deux premiers par une basse haine, le dernier par jalousie, faiblesse de caractère et incapacité, grimacent encore les sombres et ignobles figures du colonel Campusano et de Cubillas, ces agents subalternes, vautours à la suite, moins hideusement féroces que ceux qui les poussaient à agir. Maintenant, citons au hasard quelques noms parmi les hommes qui demeurèrent quand même fidèles au comte : nommons en première ligne Monsieur A. de La Chapelle, rédacteur en chef du Messager de San-Francisco, ami particulier de Raousset, qui lui légua en mourant le soin de venger sa mémoire et auquel son amitié pour son ami a inspiré un si beau livre, puis Lenoir, Garnier, Fayolle, Lefranc, les trois derniers tombés bravement devant Hermosillo. O. de La Chapelle, le frère du journaliste, ce chevaleresque chef des Cocospériens, enfin le capitaine mexicain Borunda, dont le chaleureux plaidoyer aurait sauvé le comte, si sa mort n’avait pas été résolue d’avance. Six années ont passé sur le drame de Guaymas, l’heure est venue de rendre à la victime héroïque de cet inqualifiable assassinat la justice qui lui est due, nous, l’un de ses amis les plus obscurs, nous serons heureux si notre livre, quelque incomplet qu’il soit, concoure pour une faible part à cette réhabilitation si avidement attendue de tous les cœurs loyaux. Nous ajouterons en terminant que ce récit n’a été entrepris sur aucunes notes préparées à l’avance, mais écrit sous l’impression de souvenirs ineffaçables plutôt avec le cœur qu’avec la plume.

Gustave Aimard.