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homme n’a été aimé sur la terre ; mais je vous aime pour vous, non pour moi ; votre gloire m’est aussi chère qu’à vous-même, votre mémoire doit rester sans tache comme votre vie a été sans souillure. Don Luis, moi pour qui vous êtes tout, vous l’homme pour lequel je sacrifierais ma vie s’il le fallait, je suis venue vous dire : Mourez, comte, mourez noblement, tête haute ; tombez comme un héros, votre mémoire restera comme celle d’un martyr.

— Oh ! merci, merci, de me dire cela, Angela, s’écria le comte en la pressant dans ses bras avec une ivresse passionnée, vous me rendez tout mon courage !

— Maintenant, au revoir, comte, à bientôt.

Le comte s’approcha de Valentin :

— Ta main, frère ; lui dit-il, pardonne-moi de ne pas vouloir vivre.

Le chasseur se jeta dans les bras de son frère de lait, et tous deux demeurèrent enlacés pendant quelques minutes.

Enfin, le comte se détacha par un héroïque effort de cette affectueuse étreinte. Valentin sortit sans avoir la force d’articuler une parole, soutenant doña Angola qui, malgré le courage qu’elle avait montré, se sentait sur le point de s’évanouir.

La porte se referma, et le comte demeura seul.

Il se laissa tomber sur son équipal, appuya les coudes sur la table, cacha sa tête dans ses mains, et demeura ainsi la nuit entière.

Le lendemain, de bonne heure, on vint chercher don Luis pour le conduire au tribunal ; les interrogatoires étaient finis, la plaidoirie allait commencer.

Le comte avait choisi pour défenseur un jeune capitaine nommé Borunda, qui, lors de la prise