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Un colonel, entre autres, lui remontrait l’imprudence de se livrer ainsi sans défense entre les mains d’hommes exaspérés par les vexations de toutes sortes qu’ils souffraient depuis si longtemps.

— Vous ne savez pas ce que vous dites, colonel, les Gaulois ne ressemblent nullement aux Mexicains ; chez eux le point d’honneur est tout. Je sais fort bien qu’on agitera la question de me retenir prisonnier ; mais il est un homme qui n’y consentira jamais et qui me défendra quand même ; cet homme est le comte de Prébois-Crancé.

Le général avait deviné juste, tout arriva comme il l’avait dit ; ce fut le comte qui s’opposa avec énergie à son arrestation, qui déjà était presque résolue.

Don Sébastian sortit comme il était entré, sans que nul osât faire entendre une parole de reproche contre lui ; au contraire, grâce à la mielleuse éloquence dont il était doué, il parvint à retourner si bien les esprits en sa faveur, que chacun l’accabla de protestations de dévouement et qu’on lui fit presque une ovation.

Le résultat de cette audacieuse visite fut immense pour le général ; car, grâce à l’effet qu’il était parvenu à produire sur la masse des volontaires, la division se mit entre eux aussitôt après son départ, et ils ne purent plus s’entendre ; les uns voulaient la paix quand même, les autres demandaient la guerre à grands cris, soutenant qu’on les trompait et qu’ils seraient encore une fois dupes des Mexicains.

Ceux-là avaient raison, ils voyaient juste ; mais, ainsi que cela arrive toujours, ils ne furent pas écoutés, et pour en finir on prit un moyen mixte, ce qui est toujours mauvais en pareille circonstance, c’est-à-dire qu’on institua une commission chargée de s’en-