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En quelques jours ces hommes, suivant sans doute les instructions qu’ils avaient reçues, s’emparèrent complétement de l’esprit du comte et le rejetèrent dans le torrent dont son frère de lait avait eu tant de peine à le retirer.

Un soir que tous deux étaient assis dans la chambre d’une maison qu’ils habitaient en commun, ils fumaient après avoir pris leur repas.

— Tu viens avec moi, n’est-ce pas, frère ? dit le comte en se tournant vers Valentin.

— Tu pars donc décidément ? répondit celui-ci avec un soupir.

— Que faisons-nous ici ?

— Rien, c’est vrai ; la vie m’y pèse comme à toi, mais nous avons devant nous le désert sans bornes, les immenses horizons des prairies ; pourquoi ne pas reprendre notre heureuse vie de chasse et de liberté, au lieu de se fier aux fallacieuses promesses de ces Mexicains sans cœur, qui t’ont déjà fait tant souffrir et dont les infâmes trahisons t’ont conduit où tu en es ?

— Il le faut, reprit le comte avec résolution.

— Écoute, dit Valentin, tu n’as plus cet enthousiasme ardent qui te soutenait dans ta première expédition ; la foi te manque ; toi-même, tu ne crois pas à la réussite.

— Tu te trompes, frère ; aujourd’hui plus qu’à cette époque, je suis certain du succès, car j’ai pour auxiliaires ceux-là même qui jadis étaient mes ennemis les plus acharnés.

Valentin partit d’un éclat de rire railleur.

— Tu en es encore là ? lui dit-il.

Le comte rougit.