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esprits des aventuriers et enflammé leur imagination.

Ces deux moyens répugnaient également au comte.

Le premier lui paraissait honteux, le second impraticable.

Cependant la situation se tendait de plus en plus et devenait intolérable.

Alors il se passa un fait étrange, que certes, si au lieu d’écrire une histoire nous avions composé un roman, nous aurions été incapable d’inventer.

La compagnie, incessamment excitée par les hypocrites doléances du señor Pavo et par les sourdes manœuvres qu’il employait, en était arrivée vis à vis de son chef à une désobéissance complète et presqu’à une révolte ouverte. Voyant que M. de Prébois-Crancé, trop malade pour agir vigoureusement, était incapable de s’opposer à ce qu’il leur plairait de faire, ils lui signifièrent que s’il ne consentait pas à donner l’ordre de la retraite, ils quitteraient Hermosillo et l’abandonneraient.

Le comte dut s’exécuter.

Le général Guerrero avait engagé sa parole que la retraite ne serait pas inquiétée. Don Luis parvint à obtenir des otages qui lui répondaient du salut de ses blessés, qu’il était forcé de laisser en arrière, et, le cœur navré, sans forces et sans courage, on le transporta dans une litière.

Alors une réaction s’opéra parmi les volontaires à la vue de leur chef bien-aimé, réduit à cet état misérable et presque mort de douleur ; ils se pressèrent autour de lui, en lui jurant obéissance et fidélité et lui promettant de se faire tuer jusqu’au dernier pour lui.

Un sourire mélancolique glissa sur les lèvres pâlies