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non, cher ami ; ce détachement peu nombreux forme mon armée tout entière.

Don Rafaël, don Ramon et les autres personnes qui se trouvaient là étaient des hommes qui se connaissaient en courage ; en maintes circonstances, ils avaient soutenu des luttes titanesques contre des ennemis dix fois plus forts en nombre ; ils avaient enfin fait preuve du courage le plus extravagant et de la plus folle témérité. Mais l’excentrique résolution du comte, d’aller froidement avec une poignée d’aventuriers prendre une ville, défendue par dix mille hommes, leur sembla tellement extraordinaire et tellement incroyable, qu’un instant ils demeurèrent muets et les yeux hagards, ne sachant s’ils dormaient ou s’ils étaient en proie à un affreux cauchemar.

— Mais enfin, cher ami, s’écria don Rafaël à bout d’arguments, combien d’hommes pouvez-vous mettre en ligne ?

— Dame, pas beaucoup, fit le comte avec un sourire. J’ai des malades ; cependant je puis disposer de deux cent cinquante hommes environ, j’espère que cela suffira.

— Oui, s’écria doña Angela avec enthousiasme, cela suffira, car la cause que défendent ces hommes est sainte, et Dieu les protégera !

— Don Rafaël, dit le comte avec bonhomie, avez-vous entendu parler de ce qu’on nomme la furia francese ?

— Oui, mais je vous avoue que je ne me rends pas bien compte de ce que ce peut être.

— Eh bien, ajouta-t-il, attendez à demain, et lorsque vous aurez vu cette formidable armée anéan-