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cruel et sans foi ; partez, vous êtes libres ! allez dire à vos compatriotes comment le chef des pirates se venge des calomnies que l’on répand sur son compte ; je ne vous demande même pas la promesse de ne plus porter les armes contre moi ; j’ai à mes côtés quelque chose de plus fort que tous les soldats qu’on m’opposera, la main de Dieu, qui me guide, car il veut que ce pays soit enfin libre et régénéré. Déliez ces hommes, et rendez-leur leurs chevaux.

L’ordre fut immédiatement exécuté.

Le peuple accueillit avec des cris et des trépignements de joie cette généreuse résolution.

Les prisonniers se hâtèrent de quitter le camp, non sans avoir témoigné par des protestations emphatiques leur reconnaissance de la générosité du comte.

Don Luis se tourna alors vers don Isidro :

— Quant à vous, capitaine, lui dit-il gravement, vous êtes un des derniers débris de ces lions de la guerre de l’indépendance qui ont renversé le pouvoir espagnol ; nous sommes frères, car tous les deux nous servons la même cause ; reprenez votre épée, un brave comme vous doit toujours la porter à son côté.

Le capitaine lui lança un sombre regard.

— Pourquoi ne puis-je plus vous haïr maintenant ? répondit-il ; j’aurais préféré une insulte à votre générosité ; maintenant je ne suis plus libre.

— Vous l’êtes, capitaine : je ne vous demande ni amitié ni reconnaissance ; j’ai agi comme j’ai cru devoir le faire. Suivons chacun notre route, seulement tâchons de ne plus nous rencontrer.