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résolu de cette poignée d’hommes, abandonnée à elle-même, sans secours, à six mille lieues de son pays, qui portait si haut et si fier le nom de la France, et qui, au début de la campagne, sans avoir tiré un coup de fusil, revenait avec une centaine de prisonniers pris au moment où ils se préparaient à surprendre le camp.

Les Sonoriens, émus malgré eux, regardaient les Français avec une crainte respectueuse mêlée d’admiration, et, loin de plaindre le sort de leurs compatriotes, ils les accablaient de huées et de quolibets, tant est grande l’influence du courage et de l’énergie sur les races primitives.

Lorsque les prisonniers furent rassemblés au milieu de la place du camp, le comte de Prébois-Crancé s’approcha d’eux, entouré de son état-major et de quelques-uns des principaux habitants de la Magdalena qui l’avaient suivi instinctivement, emportés par leur enthousiasme.

C’était bien réellement un jour de fête. Des flots de lumière inondaient le paysage ; une brise légère rafraîchissait l’atmosphère ; les clairons éclataient en joyeuses fanfares ; les tambours battaient aux champs, et le peuple assemblé poussait des cris de joie en faisant flotter chapeaux et mouchoirs.

Le comte souriait, il était heureux en ce moment ; l’avenir lui apparaissait moins triste et moins sombre.

Il examina un instant les prisonniers d’un œil pensif.

— Je suis venu en Sonora, dit-il enfin d’une voix vibrante, pour donner la liberté au peuple de cette contrée ; on m’a présenté à vous comme un homme