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Pourtant, après une course de quelques minutes, les cavaliers, renonçant à une poursuite qu’ils reconnurent inutile, revinrent sur leurs pas et rejoignirent le missionnaire.

Celui-ci, oubliant l’agression injuste à laquelle il venait d’échapper, cherchait déjà à secourir les malheureux tombés victimes du guet-apens qu’eux-mêmes lui avaient tendu ; il s’en allait pieusement de l’un à l’autre, afin de leur venir en aide, s’il en était temps encore.

Trois étaient morts, le quatrième râlait et se tordait encore dans les convulsions de l’agonie avec de sourds gémissements.

Le missionnaire enleva le voile qui le masquait ; il poussa un cri de surprise en le reconnaissant.

À ce cri le moribond ouvrit les yeux, et fixant un regard hagard sur le père Séraphin :

— Oui, c’est moi, lui dit-il d’une voix saccadée, je n’ai que ce que je mérite.

— Malheureux ! lui dit le missionnaire, est-ce donc là ce que vous m’aviez juré ?

— J’ai essayé, reprit-il ; il y a quelques jours, j’ai sauvé l’homme que vous m’aviez recommandé, mon père.

— Et moi, fit tristement le missionnaire, moi à qui vous deviez la vie, vous avez voulu me tuer ?

Le blessé fit un geste de dénégation énergique.

— Non, s’écria-t-il, jamais ! Voyez-vous, père, il y a des natures maudites dans ce monde. El Buitre était un misérable bandit, eh bien, il meurt comme il a vécu ; c’est juste. Adieu, père !… Ah ! mais je l’ai sauvé, votre ami le chasseur… Ah ! ah !

En disant cela, le misérable s’était dressé sur son