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Le doute n’était plus possible ; c’était bien aux voyageurs qu’en voulaient les sinistres cavaliers.

Il y eut un instant de silence suprême, silence que le missionnaire se résolut enfin à rompre.

— Que voulez-vous, messieurs ? dit-il d’une voix haute et ferme, pourquoi nous poursuivez-vous ?

— Oh ! oh ! fit une voix railleuse, la colombe prend l’accent du coq ; señor padre, nous n’avons aucunement l’intention de vous nuire, nous voulons seulement vous rendre service en vous débarassant de la garde des deux gentilles fillettes que vous emmenez si sournoisement.

— Passez votre chemin, messieurs, reprit le prêtre, et ne vous occupez pas davantage de ce qui ne vous regarde pas.

— Voyons, voyons, señor padre, reprit le premier interlocuteur, rendez-vous de bonne grâce, nous ne voudrions pas manquer au respect qui vous est dû, toute résistance est impossible, nous sommes dix contre vous seul ; d’ailleurs, vous êtes un homme de paix.

— — Vous êtes des lâches ! répondit le missionnaire, retirez-vous ; trêve de railleries, et laissez-moi continuer paisiblement mon chemin.

— Non pas, señor padre, à moins que vous ne consentiez à nous laisser vos deux compagnes.

— Ah ! ah ! c’est ainsi ! eh bien, bataille donc, mes maîtres ; vous vous êtes singulièrement trompés à mon égard, il me semble ; oui, je suis missionnaire, je suis homme de paix, mais je suis Français aussi, et vous paraissez l’avoir oublié ; je ne souffrirai pas, entendez-vous, je ne souffrirai pas, fussiez-vous vingt au lieu de dix, que la moindre insulte