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dont les pentes boisées se noyaient dans les noires profondeurs des Barancas. Depuis leur départ du camp, les voyageurs ne s’étaient pas arrêtés.

Ils suivaient en ce moment un étroit sentier tracé par les mules, qui serpentait avec des méandres sans nombre sur les flancs de la montagne. Ce sentier était tellement étroit que deux chevaux pouvaient à grand’peine y marcher de front ; mais les chevaux avaient une telle sûreté d’allure que les montures des voyageurs s’avançaient sans hésiter et sans trébucher sur cette route où tout autre animal que ces nobles animaux n’aurait osé s’aventurer.

La lune n’était pas levée encore, le ciel chargé de nuages ne laissait scintiller aucune étoile ; les ténèbres étaient épaisses, et dans cette circonstance c’était presqu’un bonheur, car si les voyageurs avaient pu se rendre compte de l’endroit où ils se trouvaient et de la façon dont ils étaient pour ainsi dire suspendus dans l’espace à une hauteur prodigieuse, peut-être le courage leur aurait-il manqué et se seraient-ils sentis envahis malgré eux par le vertige.

Nous avons dit que le père Séraphin et doña Angela marchaient côte à côte ; Violanta venait à quelques pas en arrière.

— Mon père, dit la jeune fille, voilà près de six heures que nous cheminons ainsi, la fatigue commence à s’emparer de moi. Ne nous arrêterons-nous donc pas bientôt ?

— Si, mon enfant, dans une heure à peu près ; dans quelques instants nous allons quitter ce sentier et traverser un défilé nommé la Quebrada del Coyote ; c’est au sortir de ce défilé que nous devons