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en branchages, se livraient au repos, si nécessaire après une journée de marche ; les chevaux, parqués et entravés à l’amble pêle-mêle avec les mules, broyaient leur provende d’alfalfa ; les sentinelles, le fusil sur l’épaule, se promenaient à pas lents autour des retranchements, les yeux fixés sur la campagne.

Le comte, après s’être assez longtemps promené et avoir reconnu que l’ordre le plus sévère régnait partout, séduit par la douceur mélancolique et mystérieuse de la nuit, s’accouda sur le retranchement, et l’œil fixé dans l’espace, sans rien regarder et probablement sans rien voir, se laissa aller peu à peu à rêver, subissant malgré lui l’influence mystérieuse des objets qui l’entouraient.

De temps en temps, lorsque les sentinelles se jetaient le cri de veille, il relevait machinalement la tête ; puis il se laissait de nouveau aller au flot des pensées qui venaient l’assaillir, et s’absorbait tellement en lui-même qu’il semblait dormir ; cependant il n’en était rien.

Depuis plusieurs heures déjà il était ainsi à demi couché sur le retranchement, sans songer à se retirer, lorsqu’il sentit tout à coup une main se poser légèrement sur son épaule.

Ce contact, tout faible qu’il fût, suffit cependant pour le rappeler des mondes imaginaires dans lesquels galopait son imagination, à la conscience de sa situation présente.

Le comte étouffa un cri de surprise et se retourna.

Un homme se tenait cramponné en dehors après les retranchements, dont sa tête dépassait à peine le sommet.

Cet homme était Curumilla.