Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourquoi j’ai pleuré, pourquoi je pleure encore. Que t’importent ces larmes, mon bien-aimé, elles sont autant de joie que de honte, et te prouvent le triomphe que tu as remporté sur moi.

— Angela, répondit le comte avec noblesse, je ne tromperai ni votre amour ni votre confiance ; il ne tiendra pas à moi que vous ne soyez heureuse.

Elle lui jeta un regard d’abnégation sublime.

— Rien que votre amour, dit-elle doucement, je ne veux que lui. Que m’importe le reste ?

— Il m’importe, à moi, que celle qui m’a tout donné ne tombe pas dans l’opinion publique et ne soit pas avillie.

— Que voulez-vous faire ?

— Vous donner mon nom, enfant, le seul bien qui me reste ; au moins, si vous êtes la compagne d’un pirate, ajouta-t-il avec amertume, nul ne pourra vous reprocher d’être sa maîtresse. Aux yeux de tous, je vous le jure, vous serez sa femme légitime.

— Oh ! fit-elle enjoignant les mains avec ivresse.

— Bien, frère ! dit Valentin en entrant dans la hutte ; je me charge, moi, de faire bénir votre union par un prêtre au cœur simple, pour lequel l’Évangile n’est pas lettre morte, et qui comprend le christianisme dans toute sa naïve et touchante grandeur.

— Merci, don Valentin !

— Appelez-moi frère, madame, car je suis le vôtre puisque je suis le sien. Vous êtes une noble créature, et c’est moi qui vous remercie de l’amour que vous avez pour don Luis. Eh bien, maintenant,