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avait été construite sur la rive droite du Rio San Pedro, à soixante lieues environ du Pitic.

Rien n’égale le grandiose et l’originalité de sa position, rien ne peut le disputer en majesté sauvage et en sévérité imposante au paysage majestueusement terrible qui s’offre aux regards et remplit le cœur de terreur et de joie mélancolique, à l’aspect des effrayants et sombres rochers qui se projettent sur les eaux du fleuve, pareils à des murailles colossales et à de gigantesques créneaux coupés par d’immenses fissures et des gouffres béants qui semblent accuser quelque convulsion de la nature ; puis, au milieu de ce chaos, de ces rocs entassés formant des précipices et de fantastiques aspérités au pied même d’un rapide de quatre-vingts toises, d’où le fleuve mugit en tourbillons impétueux et se précipite en une large et écumeuse cascade, au sein d’un délicieux vallon couvert d’un tapis de verdure, se cache et s’abrite frileusement la mission, dominée de trois côtés par d’immenses montagnes qui élèvent jusqu’aux cieux leurs pics lointains.

Hélas ! cette mission, jadis si riante, si animée, si gaie et si heureuse, ce coin ignoré du monde, qui semblait un reflet perdu de l’Éden, où matin et soir, se mêlant à la cascade, les hymnes de reconnaissance montaient vers le Tout-Puissant, cette mission est morte et désolée maintenant, ses cases sont dessertes et en ruines, l’église est effondrée, l’herbe a envahi le chœur ; les membres effrayés de cette simple et naïve communauté, dispersés par la persécution, se sont réfugiés au désert, et sont rentrés dans cette vie sauvage dont on avait eu tant de peine à les faire sortir ; les bêtes fauves gîtent dans la