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le découragement s’est emparé de vous ! Cela devait être ainsi ; mais bientôt vous réfléchirez aux conséquences de l’acte que vous méditez et à la honte qui pour vous en sera la suite. Quoi ! deux cents Français, c’est-à-dire les hommes les plus braves qui existent, auront abandonné leur poste, auront fui, en un mot, par crainte des flèches et des lances des Apaches qu’ils ont mission de contenir et de vaincre ? Que penseront les Mexicains, dans l’opinion desquels vous avez été si haut placés jusqu’à ce jour ? Que diront vos frères de l’émigration californienne ? Vous serez dans l’opinion de tous perdus d’honneur et de réputation ; car vous aurez trahi vos devoirs et vous n’aurez pas su faire respecter, dans ces contrées sauvages, ce nom et ce titre de Français dont cependant vous êtes si fiers !

À ces rudes paroles prononcées avec cet accent qui vient du cœur, si propre à émouvoir les masses, les colons commencèrent malgré eux à envisager la question sous un jour différent et à avoir honte intérieurement de l’abandon qu’ils méditaient. Cependant ils n’étaient pas encore convaincus, d’autant plus que la position restait toujours la même, c’est-à-dire excessivement critique. Aussi les cris, les murmures et les interpellations se croisaient avec une extrême rapidité, chacun voulant émettre son avis et faire prévaloir son opinion, ainsi que cela arrive la plupart du temps dans les assemblées populaires.

Un des colons parvint à grand’peine à obtenir enfin un instant de silence, et s’adressant au jeune homme :

— Il y a du vrai dans ce que vous nous dites, monsieur Charles, fit-il ; cependant, nous ne pou-