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LES PIEDS FOURCHUS

La tempête redoublait de rugissements.

Bientôt le Brigadier commença à donner des signes de malaise, il s’agitait sur sa chaise, se pinçait le menton, respirait bruyamment, écartait les jambes, et ne dissimulait point qu’il était mécontent de lui-même. Au moment de jouer, et pendant que son imperturbable antagoniste l’attendait patiemment, il resta en méditation, l’index posé sur un pion, ne sachant qu’en faire, et craignant de l’avancer. Après avoir changé deux ou trois fois d’avis, il retira vivement la main, renversa d’un coup de pied son petit banc ; après cela il parut respirer plus à l’aise.

— C’est à vous de jouer, sir ; dit paisiblement le maître d’école.

— Jouer ! où donc ? Ah ! je vois ; mais, suis-je force de jouer ?

— Certainement ; vous savez bien qu’on ne souffle pas à ce jeu-là.

Le Brigadier joua, affectant un air mystérieux et satisfait, en homme content de dresser un piège. Cette mimique aurait presque trompé sa femme, belle joueuse avant son mariage, si en regardant son mari, elle n’avait pas surpris comme un nuage errant sur ses traits inquiets ;