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LES DRAMES DU NOUVEAU-MONDE

seconde, et peut-être une troisième femme beaucoup plus jeune que lui.

On faisait encore, sur son compte, les commentaires les plus étranges et les hypothèses les plus mystérieuses ; et plus d’un esprit faible se sentait effrayé en l’approchant : sans doute, ses larges épaules et sa nature colossale étaient de nature à inspirer des sentiments sérieux et circonspects. Cela n’empêchait point les curieux de chuchotter sur lui, de le comparer au Juif-Errant, et même, « en vérité » de se demander s’il ne serait point le Juif-Errant en personne. Car, avait-il ou non cent trente ans… ? C’est ce qu’on ne pouvait décider… Mais on pouvait croire, d’après ses discours, qu’il avait servi dans la guerre de l’Indépendance ; il pouvait bien avoir vu le siége de Louisbourg, la mort de Montgomery ou celle de Wolfe ; peut-être avait-il connu le père d’Aaron-Burr, et avait-il piloté le fils dans le désert du Nord, sur la route de Kennebec lorsqu’il courait au secours de Montgomery ; il n’était pas impossible qu’il eût été à l’école de Bénédict Arnold ; et sûrement il devait connaître le secret du fameux trésor du capitaine Kidd.

Ce qu’il y avait d’affligeant, c’est que le bon-