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les drames du nouveau-monde

un soupir de satisfaction orgueilleuse ; jamais écolier lauréat, jamais mathématicien venant à bout d’un problème ardu, ne se sentirent plus triomphants et plus joyeux que l’innocent forestier quand il fut arrivé à cette ingénieuse solution.

Il se sourit à lui même et jeta un regard sur la jeune Indienne : celle-ci, toujours muette et immobile, tenait ses yeux noirs dirigés sur lui avec une fixité farouche dont l’étrange expression le mit mal à l’aise.

— Parlez-vous anglais ? lui demanda-t-il. S’il en était ainsi, je serais bien aise de vous adresser quelques questions. Hein, parlez-vous ?…

Un coup d’œil plus fixe encore s’il était possible, fut son unique réponse.

— Allons ! parlez-vous ?… ou bien je vous tire les oreilles ! fit-il en allongeant le bras vers elle.

L’excellent homme se serait brûlé les deux mains plutôt que de toucher à un cheveu de la jeune fille. Mais cette dernière, au geste qu’il fit, répondit par un regard de reproche et d’épouvante qui lui alla jusqu’au cœur. C’était le coup d’œil suprême et lamentable de la biche immolée par le chasseur.