Page:Aimard, Auriac - Les Forestiers du Michigan.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
les drames du nouveau-monde



mélancoliques pensées lui revinrent, il continua de rêver tout haut.

— Chasser,… chasser,… servir d’espion aux Anglais, courir le désert comme un chat sauvage !… Rôder sur le bord du lac Érié comme un poisson hors de l’eau !… Ce n’est pas une existence ! Je vais à Presqu’Isle,… plus rien ! des cendres, des tisons noircis, des squelettes !… Je vais au Détroit…, la solitude, des murailles écroulées, des arbres morts, tout mort !… voilà ce que je rencontre !… Il n’y a plus moyen de vivre dans ce pays. — Et, quelle sera la fin de tout ça ?… je marcherai, je chasserai, je rôderai dans le désert, ayant faim, ayant soif, ayant froid, seul, toujours seul, comme un loup qui a perdu sa piste ; j’irai ainsi, le long des bois, des lacs, des rivières, jusqu’à ce que quelque Peau-Rouge me surprenne et me tue… Bon ! ce sera une fin ! – Il pourra m’arriver encore de voir mes cheveux blanchir les uns après les autres, puis tomber comme cela arrive à l’ours grizly quand il est vieux : ensuite mes jambes s’useront, mon corps tremblera, mon œil ne visera plus juste, le gibier rira des balles de