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moins belle pour cela ? Jeune homme ! Dieu vous garde d’avoir à regretter ce qui était, mais qui n’est plus !

— Votre langage, sir, conviendrait à peindre une existence pleine d’éclat, de jeunesse, de félicité : mais il y a des cas, où je suppose que le changement serait bon et désirable. Prenons votre position elle-même pour exemple : croyez-vous que rien ne pourrait la rendre plus heureuse ?

— C’est mon opinion. Connaissez-vous les remarquables paroles prononcées par le baron de Humboldt au moment de sa mort ?

— Je ne pourrais vous dire.

— Les voici : le vénérable savant voyait arriver le terme de son existence si belle et si bien remplie. Un jour, par une fente de ses volets passa un rayon de soleil qui vint se jouer sur son lit. Il contempla pendant quelques instants cette gerbe lumineuse, puis il murmura avec une expression de joie : « Oh ! que c’est beau ! Dieu ! que c’est beau ! » — Il avait vu pareille chose dix mille fois en sa vie, mais jamais son admiration pieuse ne s’était lassée. — Excusez-moi, jeune homme, je me livre à des pensées rustiques et trop naïves