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— Walter, il me semble que je n’aimerais point à demeurer dans ce qu’on appelle le monde civilisé.

— Vous préféreriez donc rester exposée aux dangers que nous courons sans cesse dans ces régions inhospitalières ?

— Mon ami, je ne suis pas assez aveugle pour ignorer que vous êtes bien supérieur à moi. Quelquefois il me vient en pensée que si vous aviez quelque autre personne à aimer, votre affection ne serait point arrêtée sur moi. Il me vient aussi en pensée que si nous allions vivre dans ce Grand Monde que vous m’avez si souvent dépeint, vous y deviendriez l’idole de tous, et alors vous oublieriez la pauvre Mary Oakley, la pauvre fille sans éducation… Oui, je voudrais vivre et mourir dans cette solitude ignorée, car ici vous m’appartiendrez tout entier, vous qui serez ma seule joie ;… et au milieu de la foule civilisée, il n’en serait pas ainsi, car de nombreux amis se disputeraient votre attention. Je suis sotte et folle de parler ainsi, mais un seul de vos regards détourné de moi me ferait au cœur une blessure que rien ne pourrait guérir.

Walter regarda un moment la jeune fille avec une tendresse grave et mélancolique :