d’ange ; il a besoin que l’immensité et l’éternité s’ouvrent devant lui. Mais Aristote, que ferait-il de l’infini ? Il n’a besoin que du temps et de l’étendue ; le propre de son esprit est de chercher la limite de tout, de donner des bornes à tout, de classer, de diviser, d’asservir. Et jetez seulement les yeux sur ses ouvrages ! s’il traite de la poétique, c’est pour lui imposer des règles ; de la tragédie, c’est pour la circonscrire dans les unités ; de l’éloquence, c’est pour la soumettre aux lois de la rhétorique ; et lorsque, parvenu au sommet de l’intelligence, il y rencontre la raison, que fait-il ? il lui prescrit ses formes, il lui creuse son moule, il l’enchaîne, il la garrotte, puis il la livre au syllogisme pour lui apprendre à sophistiquer la vérité et à subtiliser le mensonge. Ainsi dans ce génie si vaste tout se rapetisse ; l’infini de Platon disparaît, les idées éternelles s’effacent, et la création se réduit à la sensation, à l’intelligence, à la matière et au mouvement.
Tel est le monde d’Aristote, monde circonscrit dans le temps, sans providence, sans im-