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164 LA MINERVE les hommes un instinct pour sentir la belle poésie. Les vers de Virgile furent applaudis sur le théâtre, par les prolétaires de Rome, qui en saisirent les beautés, avec un enthousiasme plus touchant peut-être pour le poëte, que les éloges des courtisans les plus délicats de la cour d’Auguste. Les gondoliers de Venise chantent sur leur barque les octaves du Tasse ; et, si l’imprimerie n’exis- tait pas leur voix transmettrait de race en race la Jérusalem aux peuples de l’Italie comme autrefois la mémoire des peuples conserva les poëmes d’Homère. Chez nous le peuple connaît les tragédies de Corneille, de Racine et de Voltaire, et ces grands hommes ont, dans les plus humbles citoyens de nos villes des défenseurs de leur gloire, qui ne souffriraient pas qu’on osât l’attaquer. La haute poésie, appliquée à des sujetsqui ont la vérité pour principe et, un intérêt général pour mobile est un dictame univ ersel un remède accordé aux maladies de l’àmé pour tous les hommes, un plaisir, un bienfait mis par la nature à la portée du pauvre comme du riche voilà ce qu’il ne faut jamais oublier, voilà ce que n’a pas senti le Dante. Voilà pourquoi malgré la supériorité d’un génie qui devait l’élever au premier rang parmi les poëtes malgré des beautés éternelles, malgré des créations originales et un style dont on n’admire point assez chez nous la grandeur, la force et la simplicité, l’avenir ne lé mettra point à côté d’Homère de Virgile, et même du Tasse- Né leur égal il n’eût jamais été admis avec eux par les anciens dans le choeur sacré des prêtres d’Apollon mais il lui restera toujours des sectateurs passionnés $ et souvent il arrachera à la raison elle-même des ravissemens d’admiration. s P.- F. T.