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MAURIN DES MAURES


CHAPITRE IX


On ne peut pas à la fois casser des cailloux sur la route et bien garder sa fille


Et voici l’histoire de la naissance du petit Bernard.

Il y avait, non loin du bord de la route, entre Hyères et La Molle, un cabanon où vivait avec sa fille un vieux cantonnier. À force de frapper des pierres étincelantes au soleil, le vieux était presque aveugle, sous ses grosses lunettes rondes grillagées. Et il « ne s’aperçut jamais de rien, » ce qui fut un grand bonheur pour lui, car le vieux avait des idées, des idées du temps d’Hérode. Ancien soldat, sévère sur « l’article », c’est-à-dire sur la question de l’honneur des femmes, il aurait tué sa fille s’il avait connu la faute et il en serait mort lui-même.

Tous les deux ou trois jours, sa fille. Clairette, sortait du cabanon pour aller sur la route attendre la diligence. Le voiturin arrêtait sa voiture, remettait à Clairette quelques provisions, du pain pour plusieurs jours, un fromage sec, des œufs et, clic, clac ! repartait au grand trot de ses bêtes.

Quand la fille ne paraissait pas, il déposait le panier ou le paquet sous une touffe de nasque, derrière la borne kilométrique la plus voisine. Et tout cela rendit facile à Claire de cacher son « malheur » quand le moment approcha où elle allait être mère.