Maurin, à ce moment, fut indigné. Il ne vit pas Tonia, qui accourait derrière lui, tout essoufflée, la main sur sa poitrine haletante, et il cria, tourné furieusement vers le gendarme Alessandri :
— Oh ! bougre d’âne, vous me feriez dire ! (pardon, excuse, monsieur le maire) mais aussi, c’est trop fort !… J’ai fait toute la besogne de ces individus (il désignait les gendarmes) ! J’ai arrêté un des trois coquins qu’ils poursuivaient si joliment, il y a deux jours, avec le derrière sur la chaise, dans l’auberge des Campaux ; sans moi ils n’auraient pas été fichus seulement de deviner où le gibier était caché. On les a fait prévenir hier de notre expédition ; — la balle qui a tué l’homme m’a troué la veste ; — et voilà ma récompense ! Vous me faites suer, tenez ! Vous êtes encore, vous autres, comme les gardes champêtres qu’on charge d’arrêter les chiens enragés. Des enragés, ils en ont peur, ils n’arrêtent que les braves chiens de leur connaissance. Vous avez donc bien besoin d’un procès-verbal, à cette heure ? Il vous en faut, pas vrai, à votre moment, pour avoir de l’avancement ?… On connaît la farce ! mais Maurin est un homme, vous entendez ! Et quand il a pour lui l’idée qu’il est dans la justice, il se fiche un peu des juges ! Voilà, si vous voulez la connaître, mon opinion en quatre paroles, espèce d’enfariné !
Vainement le maire s’efforçait de calmer Maurin. On ne calmait pas Maurin. Quand il roulait sa colère, c’était comme le torrent roule ses cailloux. Et ça allait jusqu’au bout. Alessandri allait répliquer, et Maurin, hors de lui, lui aurait fait un mauvais parti — dont son ennemi comptait bien tirer avantage — quand Tonia dit, tout d’une haleine :