comme nous, on les enterre sans discours !… Qui voulez-vous qui parle sur sa tombe ?
« — Moi ! dit Bédarride avec une sombre énergie ; moi si vous le désirez, ma pauvre demoiselle, car je connaissais ses vertus, à la pauvre morte, comme je connais les vôtres. Je suis M. Bédarride. »
« Anastasie étouffa un sanglot plus profond que les autres.
« Les prières étaient achevées.
« — Désirez-vous toujours que je parle ? interrogea Bédarride.
« — Vous me ferez beaucoup d’honneur, monsieur Bédarride. »
« Il s’avança au bord de la fosse, et tenant son chapeau de la main gauche, il refoula avec un geste large de sa droite ceux des assistants qui s’apprêtaient déjà à jeter sur le cercueil les premières poignées de terre.
« Alors, pâle, maigre, noir, debout sur l’éminence formée par la terre fraîchement retirée du trou, ému lui-même, il parla ainsi à la foule émue :
« — Mesdames, messieurs, vous tous, amis connus et inconnus, recevez les remerciements d’une famille éplorée ; d’une sœur écrasée sous la plus inconsolable de toutes les douleurs — puisque jamais la tombe n’a rendu sa proie ! Du moins, chère demoiselle Anastasie (Ici Mlle Anastasie sanglota éperdument), du moins vous avez cette consolation enviée par tous les honnêtes gens, de voir une ville entière se presser autour de vous, dans un élan de participation à votre douleur, participation qui n’a d’égale, par sa grandeur, que votre douleur elle-même. Chère et malheureuse Adélaïde, regarde autour de toi. Tout Aiguebelle a