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MAURIN DES MAURES

« — Je ne l’aurais jamais deviné à la voir, pechère ! dit Bédarride… vous l’aimiez beaucoup, madame ?… madame ?…

« — Madame Labaudufle.

« — Vous l’aimiez beaucoup, dites… madame Labaudufle ?

« — Voui ! gémit la matrone. Nous nous étions élevées ensemble, rue de l’Aubergine où elle est morte, dans le magasin qui l’avait vue naître, puisque sa mère, comme vous savez, était marchande de fruits et tenait boutique d’épicerie, depuis l’autre siècle, à côté de l’ancien théâtre des marionnettes où on jouait la crèche pour la Noël.

« — Je l’aimais aussi beaucoup, dit Bédarride… pauvre Adélaïde ! »

« On arrivait près de la fosse ouverte qui attendait la dépouille mortelle d’Adélaïde Estocofy.

« Vivement Bédarride gagna les premiers rangs du cortège. Il reconnut facilement Anastasie à sa douleur ; il s’approcha d’elle.

« On descendait le cercueil dans la fosse.

« Le prêtre bénissait la tombe ouverte et psalmodiait les prières lamentées.

« Bédarride se pencha vers Anastasie :

« — Pauvre demoiselle ! lui dit-il d’une voix mouillée, je prends bien part à votre chagrin… avec toute la ville d’ailleurs… »

« Anastasie eut un sanglot.

« Bédarride reprit, d’un ton plus bas, confidentiel, mais d’un accent plus assuré :

« — Est-ce que quelqu’un parlera sur sa tombe ?

« — Pechère ! sanglota Anastasie ; de pauvres gens