homme têtu ; il ne voulait rien entendre, il ne parlait de rien moins que de quitter Aiguebelle à tout jamais. J’allai le voir pour tenter d’arranger les choses. Elles s’étaient singulièrement gâtées.
« Quand j’arrivai, cinq mille Aiguebellois (la moitié de la population d’Aiguebelle) entouraient la maison de campagne que Larroi avait louée en attendant que sa villa fût construite.
« Des plaisanteries la foule passa bientôt aux menaces. Tous les joueurs de boules, c’est-à-dire tous les grévistes, étaient là, leurs boules ferrées (de vrais boulets) dans les mains. On commençait à les lancer dans les vitres.
« — Toi qui prétends les comprendre, va leur parler, me dit Larroi. Explique-leur que je suis libre de quitter le pays et que je le quitterai : c’est mon dernier mot. »
« Je descendis, je me présentai à la foule menaçante. Malheureusement je n’étais pas encore très connu à Aiguebelle en ce temps-là.
« — Mes amis, un peu de silence ! m’écriai-je en montant sur une chaise que j’avais apportée. Je viens vous donner des explications après lesquelles, je l’espère, chacun de vous rentrera chez soi, car voici que le jour finit et il se fait temps d’aller souper.
« — Quès aqueoù couyoun qué parlo ? — c’est-à-dire : quel est cet âne qui brait ? » — cria une voix.
« Et je reçus, en pleine poitrine, le cochonnet, petite boule de buis dont le choc me fut assez désagréable.
« — À l’eau ! » cria-t-on de tous côtés.
« Aiguebelle est situé au bord de l’Argens. Il y avait peu d’eau dans la rivière en ce mois d’été, mais enfin il y en avait, et je compris que si on n’avait pas le des-