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MAURIN DES MAURES

« Avant tout, l’homme du Midi aime le far-niente. Quand le phylloxéra détruisit ses vignes, le paysan provençal se trouva fort ennuyé, mais il ne fut vraiment désolé que lorsque, ayant remplacé les vieilles souches françaises par le cep américain, il fut obligé de le cultiver avec des soins spéciaux ignorés de lui jusque-là et vraiment trop compliqués.

« Depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à cette époque, la culture de la vigne sur tout le territoire du Var avait été facile. On laissait les pampres traîner à terre. Dans les « oullières », très larges entre les raies de vignes, on semait du blé, après un labour superficiel. La moisson était maigre dans ces oullières, au pied des vieux oliviers ; n’importe. C’était un heureux temps puisqu’on avait sous les yeux, dans le même champ, tout ce qu’il faut pour vivre : le pain, et le vin, et l’huile, produits essentiels, simples, tous nommés dans l’Évangile.

On acanait : on battait l’olivier à coups de roseaux, en novembre, pour en faire tomber le fruit sur les linçouras. On moissonnait à la faucille, en juin. On vendangeait en septembre. Le reste du temps, le paysan, assis sur sa porte, regardait pousser l’olivier, la vigne et le blé. Cette contemplation était sa principale besogne ; il rêvait, et le soir il chantait ou contait des gandoises à sa famille. Oui, c’était le bon temps.

« Le soleil quand même dorait la grappe enfouie sous les pampres. L’échalas était méprisé : on prétendait que, sur échalas, la vigne serait détruite par les coups de mistral. Notre bonne vigne antique avait des allures de lambrusque ; l’épi était grêle ; l’olive venait quand il plaisait à Dieu. Cela suffisait à une race de cigales