Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
MAURIN DES MAURES

pas avoué pour son fils, ce fut par pure discrétion, en faveur de la patricienne à laquelle ce démocrate de Maurin pense toujours avec orgueil, bien qu’il ne sache pas ce qu’elle est devenue. Il aime, au fond, son gueux de Césariot et n’est pas homme à le laisser « mal tourner » sans essayer d’arrêter le drôle. J’ai pu en causer avec lui, lui ayant d’abord donné à entendre que je savais pertinemment son secret. Il m’a répondu cette parole étonnante :

« — Cet enfant aurait pu porter mon nom ; je n’entends pas qu’il le déshonore ! »

« Dites-moi, monsieur le préfet, si le mot n’est pas héroïque sous sa drôlerie et empreint du plus pur idéalisme ? C’est du bon Maurin, et je m’y connais !

« Son second enfant fut une fille. Il l’eut, deux ans plus tard, d’une femme mariée. Le mari, un bûcheron, allait partout dénonçant, avant la naissance, l’indignité de sa femme et son propre déshonneur. Il proclamait qu’il n’accepterait jamais l’enfant, et qu’il tuerait Maurin. Alors Maurin, bravement, alla trouver le mari récalcitrant :

« — Donnez-moi l’enfant, dès qu’il naîtra, maître un tel. Puisque vous savez les choses, il est juste que je prenne l’enfant à ma charge. »

Il reconnut la petite, en effet. Rien n’était moins légal puisque la naissance de l’enfant ne fut pas déclarée par le mari, mais l’opinion publique approuva. Nul ne dénonça l’arrangement aux magistrats. Et la mère fut bien contente de donner sa fille au vrai père, Jusqu’à l’âge de dix ans, la mère de Maurin éleva la petite, légalement fille de mère inconnue et de Maurin des Maures, en dépit de la formule : « Is pater est quem nuptiœ… »