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MAURIN DES MAURES

— Celui-là n’est pas moins beau, monsieur le préfet. À seize ans, Maurin, joli comme un gars de nos pays où la race est sèche et nerveuse ; Maurin, brun à peau bistre, jouait sur les plages de Saint-Tropez, nageant, pêchant et barquégeant ; vous diriez, à Paris, canotant. Un été, une famille bourgeoise, le père, la mère et la fille, s’installa sur les bords de la mer dans une villa de Saint-Tropez. Le petit Maurin, qui vivait en bras de chemise, débraillé, à moitié nu, sans cesse lavé par l’eau de la mer, plut à la jeune fille de la villa… Elle avait dix-huit ans et peignait de fort jolies aquarelles… Elle le fit poser souvent, tantôt sur la plage en pleine lumière, tantôt sous les grands pins… Elle plaisait beaucoup au petit pêcheur, la demoiselle… Elle lui plaisait tant qu’il arriva (comme on dit dans le pays) — un malheur. La famille fut désespérée et s’éloigna. Maurin comprit qu’il devait se taire, mais il suivit ces gens à la piste et sut, peu de temps après leur départ, qu’un fils lui était né. Cet enfant ignore aujourd’hui le nom de son père. Baptisé César, on l’appela et il se fait appeler Césariot.

« Des montagnards des Basses-Alpes furent ses nourriciers.

« Ils l’ont mis depuis quelque temps en service chez des pêcheurs de Saint-Tropez, mais ce garçon promet de devenir un mauvais sujet ; c’est un rôdeur de cabarets louches et qui rêve Toulon et les basses orgies de la ville maritime. Maurin, qui ne l’a pas perdu de vue, en est désolé.

« Et tout cela m’intéresse. Maurin, qui a d’autres enfants, en a reconnu deux seulement (un garçon et une fille) parce que, dit-il, ceux-là, « il me semble bien que je suis sûr d’être leur père » ! Quant à Césariot, s’il ne l’a