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MAURIN DES MAURES

voir en surface certains drames dont je connais, moi, tous les ressorts. Mais, puisque c’est Maurin qui vous intrigue, que voulez-vous savoir de lui ? Ce ne sont pas ses exploits cynégétiques, je présume, c’est son caractère qui vous intéresse ?

— Naturellement, dit le préfet.

— Eh bien, dit M. Cabissol, ce Maurin est pour moi l’incarnation de sa race. Il est ignorant mais intelligent et fier, calme mais capable des plus vives indignations. Il a la grandeur d’un prince arabe et c’est un pauvre braconnier de Provence. Il est sérieux et sûr, mais, derrière ses moindres paroles, il y a souvent une gouaillerie cachée.

« Cet homme-là, c’est quelqu’un. Dans les armées de la première République, des hommes comme lui, fils de fruitière ou charretiers, devenaient généraux à vingt ans et, sous l’Empire, maréchaux à trente. Ce qui manque à des êtres pareils, ce sont des champs d’action dignes de leur décision, de leur audace, de leur génie. Ça ne redoute rien. Ça sait vouloir. Ça vit braconnier par une ironie du sort ; c’est de la race du pirate qui répondit à Alexandre : « Quelle différence y a-t-il entre toi et moi ? C’est que tu as une flotte, et moi rien qu’une pauvre petite barque. »

« Gaspard de Besse, notre fameux voleur révolutionnaire, était de cette race-là ; seulement Maurin est d’une scrupuleuse honnêteté — c’est-à-dire, hélas ! un peu dégénéré ! Il finira mal, car il tient de l’humanitaire. Il reculerait devant un meurtre, même pour sa légitime défense. Cependant, si on mettait en leur place des énergies pareilles à celle d’un Maurin, on ferait des patries bien plus belles. Mais qui s’en occupe ? Voulez-vous,