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MAURIN DES MAURES

nuit ? Il me l’a dit hier en partant. Il est allé au Suvé dé Rampaoù ; oui, cela est cela. Eh bien, quelle distance y a-t-il d’ici au Suvé ? Une petite lieue, à peine. Et alors, connaissant son chien comme je le connais, je suis sûr et certain qu’il serait revenu, le brave Hercule, chez M. Rinal, où il savait que je veille à l’accoutumée tous les soirs, et il m’aurait tiré par la veste comme pour me dire :

— « Ouah ! ouah ! viens vite, que le maître a besoin de toi ! »

« Ce n’est pas la première fois que cela serait arrivé. C’est arrivé notablement cette fois où Maurin, tombé dans un trou avec une entorse, voilà quatre ou cinq ans, — comme le temps passe ! — n’en pouvait plus sortir. Son chien vint me chercher et je suivis son chien, un chien qui vaut plus que beaucoup d’hommes, et je tirai Maurin d’affaire. C’est pourquoi je peux me jurer que Maurin n’est pas mort et je ne me trompe pas, croyez-le-vous !… Pourtant, je sais très bien qu’une mort dans ce genre, c’est son destin, mais quelque chose me dit que ça n’est pas encore son heure…

« Et cependant, que sommes-nous en ce monde ? Pas grand’chose, si peu que rien, des rien-du-tout qui ne pèsent rien, et la mort travaille comme elle veut. Tu es là aujourd’hui, mais demain tu n’y es plus ; et, pechère ! où l’un va, l’autre finit toujours par y aller ! Mais il est vrai aussi que, des fois, lorsque vous croyez avoir fini, voilà, vous recommencez ; et, des fois, vous accommencez à peine, que, voilà, tout est fini… une tuile avec encore une tuile, ça fait deux tuiles… deux tuiles avec encore une tuile, ça fait trois tuiles… trente et un, trente-deux ; c’est tantôt le tiers, et tantôt le quart ; quand il n’y en a plus, il y en a encore ; aussi bien