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MAURIN DES MAURES

« Cabasse, pétrifié d’étonnement en voyant l’oiseau inconnu, s’écria :

« — Oï ! vé ! une poule verte ! »

« Puis, sans autre réflexion, il rentra quérir son fusil, et du seuil de sa maison il épaula… Pauvre Coco ! tu auras traversé les océans, bravé, surmonté les dangers de la tempête, pour venir tomber bêtement sous le plomb d’un Cabasse qui ne sait pas distinguer un perroquet d’une poule ! Ce que c’est que de nous, pourtant !

« Le tonnerre d’un coup de fusil éclata et se prolongea longtemps dans l’écho des vallons. Que de bruit, bon Dieu ! pour si petit gibier ! L’homme qui n’avait jamais vu de perroquet courut ramasser sa proie, et tout en soupesant dans sa main le pauvre petit corps frémissant, dont la tête pendait, secouée par les hoquets de l’agonie, — il souffla sous les plumes pour les rebrousser, et pour voir si son gibier ferait un bon rôti. Hélas ! il n’aperçut qu’une peau blanchâtre, flasque, toute plissée. Si bien qu’il ne put s’empêcher de s’écrier tout haut :

« — Oï ! qu’il est « mégre » !

« À quoi, Dieu aidant, l’agonisant perroquet répondit, de sa voix caverneuse, par ces paroles, celles — soyez-en sûr — que lui avait le plus récemment apprises son maître :

« — Je suis été un peu malade !

« Stupéfait, tout saisi d’une terreur subite, l’homme laissa tomber le perroquet à terre, et ôtant vivement son chapeau, d’un mouvement humble et contrit :

« — Oh ! pardon, môssieu… Ze vous avais pris pour un « joizeau » !