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MAURIN DES MAURES

un sobriquet générique que la voix du peuple attribue à plusieurs familles de Provence.

« Les d’Auriol dont je parle s’appellent…

Ici, M. Cabissol se pencha à l’oreille de Maurin et murmura un nom.

— Pas possible ! s’écria Maurin stupéfait… Alors, c’est ce Pierrot-là qui a épousé mon ancienne petite amie ?

— Pierre, non ! c’est Théodule, dit Cabissol en se tournant vers M. Rinal. C’est Théodule qui, sur les instances de sa femme, a fait décorer Caboufigue, à la demande de Maurin. Elle a vingt ans de plus que lui, mais ça les regarde.

— On a bien raison, s’écria Maurin, de dire que tout s’arrange à la fin et que seules les montagnes ne se rencontrent pas ! Celui-là a eu une brave chance quand il a reçu en cadeau deux canards qui l’ont fait ce qu’il est, et Caboufigue en a eu une fameuse de me connaître !

— On doit rarement sa fortune à son mérite. On la doit presque toujours à son Canard du Labrador, conclut Cabissol. Mais il faut savoir cultiver son canard ou celui de son oncle ! Et pour cela, il faut être, comme le jeune Théodule, un arriviste à tous crins. Il n’a pas encore l’âge d’être électeur, celui-là, et il est déjà un des plus puissants personnages de l’État, une sorte de petite Éminence grise. Il fait et défait des préfets, des gouverneurs, des ministres. Sa femme fait des académiciens. Tous les souverains qui visitent la capitale traversent son salon, et il est, par suite, tout couvert de croix. Il est, de plus, comblé de sinécures ; il vient encore d’être nommé conservateur des Hiéroglyphes de l’Obélisque. On dit que, s’il le veut, il arri-