Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/409

Cette page a été validée par deux contributeurs.
391
MAURIN DES MAURES

gendarmes, comme l’avait fait Maurin, celui-ci s’indigna :

— Vous connaissez bien des choses, monsieur Cabissol, et j’ai bien du respect pour vous, mais si vous pensez cela, alors, c’est que vous ne connaissez pas mon peuple. Tenez, le printemps dernier, voici ce qui est arrivé à Pitalugue.

Et Maurin poursuivit ainsi :

LA LIÈVRE DE JUIN

Pitalugue labourait son champ, dans la plaine au-dessous de Bormes.

Tout en un coup, tirant sur les brides de corde, il arrêta doucement et en silence son cheval et, les yeux écarquillés et fixes, il regarda attentivement un creux de sillon dans son labour de la veille, à vingt pas devant lui, à sa main droite, sous le vent.

Voyons, il ne se trompait pas : cette espèce de paquet gris et rougeâtre qui ne remuait pas, c’était une lièvre. Elle dormait. Nom dé pas Diou, qué lèbre !… Une chose grosse comme un gros chien, mon ami !

Que faire pour l’avoir ?

Se taire d’abord et réfléchir, mais réfléchir un peu vite et prendre un parti au plus tôt.

Adonc, Pitalugue réfléchissait, immobile, les deux mains serrant, d’émotion, les manchons de l’araire, derrière son vieux cheval.

Qu’heureusement il y avait du vent, et pas de mouches ! — pourquoi, s’il y en avait eu, des mouches, le cheval, en les chassant du pied, aurait peut-être fait du bruit à réveiller la lièvre.