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MAURIN DES MAURES

« Tout seul, on a bien assez de mal à faire le jour dans ce qu’on pense, sans aller s’embarrasser de répliques et de querelles… Parler seul, c’est comme d’écrire une lettre qu’on n’envoie pas. Point de réponse alors ne vous embête en retour. Et, cette fois, si j’ai parlé seul pour que tu m’entendes, te sachant là, c’est que j’ai cru qu’étant présent en cachette, tu n’oserais répondre et que, pour une fois, il me plaisait de te donner mon bon avis qui serait un bon avis s’il ne venait pas trop tard. À présent, tais-toi, et dis-moi, que faisons-nous ?

— Que je me taise, et que je te dise quoi faire ? dit Maurin qui se rapprochait en riant à gorge déployée. Ah ! que tu es bien toi, Parlo-Soulet, plus gai toujours quand tu es sérieux que si tu galégeais comme moi !… Quoi faire ? faire à nous deux ce que tu aurais fait tout seul, je parie ! Rentrer à l’auberge ; et tu finiras ta partie d’écarté avec tes « cambarades » ou plutôt tu en feras une avec moi… que je l’ai bien gagnée.

Et pendant que les gendarmes poursuivaient leur route vers Cogolin sur leurs chevaux éreintés, Maurin, dans la grand’salle des Campaux, disait à Parlo-Soulet :

— Du trèfle ! et du trèfle ! je gagne la partie, mon homme !

— Pourvu que ça continue, pauvre toi ! répondit Pastouré, mais j’ai bien peur que les gendarmes ne gagnent la belle contre nous deuss !

La Corsoise, assise près de son père, les regardait jouer.

— Belle demoisellette, lui dit Maurin, vous accepterez bien un verre de fenouillet, qué ? parce que quand je gagne je régale !

« Et votre père, lui aussi, acceptera de trinquer avec nous ?… Grivolas, un verre !