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MAURIN DES MAURES

Alors, elle poussa un sanglot éperdu, un sanglot d’enfant qui étouffe. Même les petites filles Corsoises, bien qu’elles aient du courage aux heures où il faut en avoir, pleurent ainsi devant le malheur et l’amour, — quand il n’y a plus rien à faire contre la destinée mauvaise.

Orsini, s’asseyant, frappa du poing sur la table.

— Madona ! dit-il en manière de juron écourté, je ne te parlais plus jamais de lui, depuis ton pèlerinage, et tu ne m’en parlais pas non plus. Je croyais que cela valait mieux et que tes idées sur lui s’en iraient peu à peu ainsi, en silence, comme la fumée d’un vieux feu qui se consume et froidit. Mais non ! et voilà comme tu pleures aujourd’hui, pour ce bandit ! J’irai donc le trouver, s’il faut… et lui dirai de prendre garde à lui !

— Et, gémit violemment Tonia à travers ses pleurs, comment pourrez-vous empêcher, mon père, qu’il soit en prison, et que, moi, je l’aime ?

La plus grande douleur ne désarme pas une femme de sa ruse d’amour. La maligne Tonia profitait de son chagrin même, se sachant passionnément aimée de son père, pour lui glisser son plein aveu, une bonne fois, — sûre, à cause de ses larmes, de n’être pas battue ni tuée !

— Ah ! bougre de nom de sort ! cria Orsini, qui adoptait parfois les jurons de Provence. Ça c’est pire ! ça, je n’y comptais pas, par exemple !

Et frappé d’une idée et d’une terreur subites, il se leva, courut à sa fille, qui maintenant s’occupait de son linge à mettre en ordre, et, la prenant par les épaules, il la retourna brusquement pour la regarder au visage. Alors elle eut honte d’elle, et se voila la face de ses