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MAURIN DES MAURES

cette heure, attendu que nous vivons déjà trois sur un lapin fait pour deux.

Plus volontiers que d’être aimable ainsi avec eux, il les aurait battus, les gendarmes, mais il faut savoir, à de certaines heures, être diplomate. Et le roi des Maures, en ce moment, c’était Louis XI à Péronne.

Les gendarmes affamés prirent les vivres, qu’ils payaient honorablement en accordant pour une heure à Maurin la liberté de ses deux mains. Mais qu’avaient-ils à craindre puisqu’ils fermèrent et, du dehors, étayèrent la porte avec un gros cabrin (poutrelle) qui traînait là pour cette fin même ? Ils eurent un moment l’idée de s’y adosser, mais, pour dire la vérité, le seuil et les entours étaient si fâcheusement souillés d’ordures de poules qu’ils s’en écartèrent un peu, et s’assirent, encore assez près de là, sur deux grosses pierres, sous un arceau du cloître.

S’étant donc assis, ils commencèrent à attaquer le lapin sans rien dire, car le silence est d’or pour les gens affairés.

Et puis il fallait prêter l’oreille au moindre bruit qui pourrait venir de la prison improvisée. Tout à coup :

— Bigre de bigre ! dit Sandri ! nous lui avons laissé son carnier !

On ne saurait penser à tout.

Ils se levèrent et débarricadèrent la porte, mais Maurin avait déjà fait son coup : il avait pris, tout d’abord, la longue et solide cordelette qu’il avait toujours dans son carnier ; il avait pris aussi son couteau à gaine, et il avait mis le tout, en se penchant par la fenêtre, dans un trou de muraille sous les feuilles de lierre épais.