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MAURIN DES MAURES

verront que c’est sérieux et que les tribunaux me veulent mal, les pins et les châtaigniers d’ici parleront pour moi et diront qui je suis, et ils diront aussi qui toi tu es. Quand ils me verront véritablement en position de malheur, même les gens de Gonfaron oublieront ma galégeade et ils reprocheront à leur maire de ne pas avoir ri de ce qui est risible, et d’avoir mis la loi en mouvement contre le crime d’avoir planté (ah ! pauvre France !) deux ailes de perdreau sur la croupe d’un joli petit âne, qui ne m’en a pas voulu, lui, de ma plaisanterie, vu qu’elle n’a fait de mal à personne. Et même les gens du Plan-de-la-Tour témoigneraient que je croyais bien dire et bien faire en empêchant leur mendiant de trembler, ne voyant pas la nécessité qu’il les fît rire avec le souvenir de ses douleurs ; et ils jugeront leur sottise aux conséquences.

« Alors, tous ces gens-là, pour me défendre, je te dis, t’attaqueront, toi ! car il y a une justice, et quand vient son moment, les sots cessent de l’être, et comprennent. Il y a alors des méchants qui se repentent et ce qui est caché paraît. Je parle pour que ces deux-ci, qui m’ont pris par obéissance à leur devoir, se souviennent. Entendez-vous, Sandri ? ce n’est pas une histoire de femme qui peut perdre un honnête homme qui n’a jamais trompé personne. Et c’est pourquoi, bientôt, mon pauvre charbonnier, tu ne seras pas blanc ! On te verra l’âme plus mascarée encore que ton visage. Les coquineries de ton père et de toi, une à une sortiront des trous où elles se cachent, comme sortent, au tambour des limaces, toutes les sales bêtes visqueuses. Les pins et les châtaigniers d’ici, qui sont pour moi, seront contre toi et contre ton père et tes sœurs, parce qu’ils ont vu vos malices et