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MAURIN DES MAURES

diable, mais il était persuadé que la vieille Rabasse avait fait rater son fusil par trois fois et avait permis aux gendarmes de l’arrêter ! Ainsi les plus grands hommes ont leurs petites faiblesses. Les droits de l’inconnu sont imprescriptibles, et qui leur ferme la porte de la religion leur ouvre souvent la chatière de la superstition, par où entrent les rats.

Tout à coup Grondard se montra, aux yeux de Maurin, comme on n’était pas loin de la Verne. Déjà on apercevait les premiers châtaigniers de la forêt qui appartient au couvent, et Maurin se dit :

— Grondard est noir, mais c’est un homme jeune ; me voilà désensorcelé par mon ennemi même !

Et du plaisir qu’il en avait, il souriait à Grondard, qui ne comprenait pas ce sourire.

Et quand il se vit proche du charbonnier, Maurin s’arrêta dans l’étroite sente. Derrière lui s’arrêtèrent les gendarmes, — et Maurin, regardant Grondard avec le mépris qui lui revenait enfin, lui cria tout-à-coup d’une voix de colère :

— Si c’est toi, comme je le pense, qui m’as espionné ce matin et qui m’as livré, tu as fait là une affaire mauvaise pour toi, bête brute ! On t’a bien nommé la Besti de père en fils.

— C’était, dit Grondard avec un rire mauvais, le surnom donné à mon père. Ce n’est pas le mien.

— La Besti, dit Maurin n’a pu qu’engendrer une Besti et Besti tu seras nommé quand tu serais bâtard ! oui, tu as mal arrangé tes affaires, car souviens-toi que lorsque tout ce pays-ci verra Maurin encatené et en prison, il se lèvera tout entier pour être témoin comme quoi je suis un brave homme et toi une canaille. Quand ils