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MAURIN DES MAURES

il leur fondrait comme du beurre ou leur coulerait entre les doigts comme un lapin qui se peigne le poil entre deux touffes de gineste !…

« Et maintenant, je crois que mon lapin est cuit, et même il sent bon, le camarade !

« Mais j’en reviens à mon idée : pourquoi le chasse-t-on, cet homme ? Pourquoi ? Toujours pour du bien qu’il fait ! Quand il a dit, pour la Saint-Martin, à tout ce peuple qui se régalait de la misère d’un misérable, qu’ils étaient des sauvages, n’avait-il pas raison ? Foi de Pastouré, raison il avait !

« Quand il a dit aux Gonfaronnais : « Vous me regardez comme si vous voyiez voler un âne », pourquoi se fâchaient-ils, ces gens, puisque le rôle de l’âne c’est pour lui-même qu’il le prenait, et puisque il les traitait eux, conséquemment, comme des chrétiens ?

« Et quoi encore ?

« Quand il a pris les chevaux des gendarmes pour faire leur service et arrêter des voleurs au nom de la loi, il avait encore raison, raison mille et un coups, raison, je vous dis. Et je me ferais piler pour le dire. Alors ? alors, je vous le dis comme je le calcule : il y a quelque chose de mal arrangé dans les affaires du monde, et le pauvre bougre a toujours tort.

« Faites du bien au peuple, on vous fait la chamade. Dites-lui la vérité, on vous fait la chamade. Sainte Vierge, je ris, ça me fait beaucoup rire. Coïons nous sommes, coïons nous resterons. Il leur faudrait un de ces Napoléon qui leur mettrait le pointu de la baïonnette à l’endroit par où ils gonflent leur âne !

« Ô misère de moi !

« Et qu’est-ce qui corrigera un Maurin d’être ce qu’il