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MAURIN DES MAURES

deux fourchettes d’étain. Le sel était dans une salière faite d’un morceau de liège difforme. Tout cet intérieur, noir de fumée, sentait bon le romarin brûlé. Les sièges étaient deux tronçons de gros chênes-lièges avec toute leur rugueuse écorce.

Quand Maurin arriva, Pastouré, à son ordinaire, parlait puisqu’il était seul.

Maurin, pour l’entendre, s’arrêta un peu, avant de se présenter à la porte.

Pastouré disait :

— S’il était un vrai gibier, ce Maurin, on ne lui donnerait pas plus souvent la chasse, mais des chasseurs qui chasseraient un gibier comme le font ces gendarmes (que le tron de Dieu les brûle !) ça serait des chasseurs de la ville, des chasseurs de rien, des chasseurs de ma tante, des chasseurs de carton, des phénomènes de chasseurs, de ceux qui ont des costumes de chasseur et toutes les armes nouvelles et toutes les poudres nouvelles et tous les nouveaux systèmes de tout, mais qui sont adroits comme mon soulier.

« Et de ce que je viens de dire là je demande pardon à mon soulier, qui, dans l’occasion, ne manquerait pas le derrière qui mériterait que mon soulier l’amire (le vise). Pour ce qui est de dire d’attraper au vol un cheval ou un âne, l’âne des Gonfaronnais, puisque c’est celui-là qui vole, jamais un de ces chasseurs si bien arnisqués (harnachés) ne l’attraperait, quand cet âne ou ce bœuf serait gros comme une maison.

« Ils manqueraient, ces chasseurs-là, un bœuf dans un corridor ! Dans un corridor, ils le manqueraient, un bœuf ! Et pareillement Maurin, les gendarmes le manqueront toujours ! Quand ils l’auraient entre les mains,