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MAURIN DES MAURES

— Noum dé pas Dioù, Moussa lou Comté ! fit Maurin, sioù aqui qué mi songi qué sé i’avié que dé noblé coumo vous et dé couyoun coumo ioù, ti foutrian une Franço, voleur dé sort, numéro ùn ! — ce qui veut dire : « Par Héraklès, Monsieur le comte, s’il n’y avait que des nobles de votre sorte et des pauvres diables tels que moi, en vérité nous réaliserions bientôt la plus exquise des républiques athéniennes ! »

Et le bras droit tendu, le poing fermé, le pouce vertical un peu rejeté en arrière, il exprimait du geste, à la façon provençale, les énergies fécondes de la France plébéienne.

Et jamais parole n’exprima si bien que son geste viril la déférence du peuple pour toutes les aristocraties qui ont la vraie élévation, celle du cœur. Ce geste disait, du même coup, son mépris pour la plate suffisance de l’égoïste bourgeois satisfait de soi-même. Entre Caboufigue, le parvenu, et M. de Siblas, qui représentait les traditions et la politique de la vieille France, Maurin n’eût pas hésité, mais il préférait Vérignon. Et le pape ayant affirmé le droit nouveau des démocraties, que Dieu tolère, M. de Siblas servait, sans rougir, quoique à regret, la république de Maurin des Maures, l’aristocrate d’en bas.

Jamais les gendarmes ne comprirent ce qui s’était passé à bord du yacht, et pourquoi, pouvant leur livrer le braconnier, « M. le comte » lui avait permis de hisser sa voile au vent, lequel s’était mis à souffler du large.